Ateliers d'haromisation

2012 Conduite à tenir devant une réactivation ou une infection à virus respiratoire syncytial, herpèsvirus 6 et adénovirus après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques

État actuel de la question

1 – Que ce soit pour le virus respiratoire syncytial (VRS), l’herpèsvirus 6 (HHV6) ou l’adénovirus, il n’existe pas de consensus ni de guidelines précises pour leur prise en charge, en dehors de celles de l’ECIL (European Conference on Infections in Leukaemia) [ 1–3 ].

2 – Dans la littérature, nous n’avons pas retrouvé de grandes séries, y compris rétrospectives, ni d’essai thérapeutique.

3 – Un questionnaire a été rempli par les différents centres participant aux ateliers d’harmonisation des pratiques en allogreffe: nous avons obtenu 26 réponses (sur 32 centres) dont 6 centres pédiatriques et un centre en Belgique (Liège) :

  • VRS: recherché en cas de symptomatologie respiratoire haute ou basse (consensuel), mais grande hétérogénéité dans les traitements ;
  • HHV6: aucun consensus sur la pathogénicité, les modalités de recherche du virus, l’intérêt et les modalités du traitement ;
  • Adénovirus: recherché de façon hétérogène : type de greffon, réaction du greffon contre l’hôte (GVH), symptomatologie, liquide biologique, etc. Le traitement est plus consensuel (molécules, immunothérapie).

Conclusion de l’atelier

3.1. VRS

  • Problème rare, probablement sous-diagnostiqué, mais potentiellement grave. La mortalité est importante en cas d’infection respiratoire basse (7 à 83% selon les études) [ 4 ], et l’infection à VRS est un facteur de risque de complications pulmonaires secondaires [ 5,6 ].
  • Epidémies saisonnières mais aussi cas sporadiques [ 1,7 ]. Il faut donc y penser quelque soit la saison.
  • Facteurs de risque [1,4 ] :
    – Infection : sexe masculin, receveur CMV+.
    – Progression vers une infection respiratoire basse : lymphopénie < 200/mm 3 , mismatch ou donneur non apparenté, conditionnement myéloablatif, GVH, âge avancé.
    – Mortalité : infection en pré-greffe, lymphopénie < 200/mm 3 , âge > 65 ans
  • Une infection à VRS est définie par l’association d’un signe clinique et d’un prélèvement microbiologique positif [ 1 ] .
  • Techniques diagnostiques: privilégier la PCR Multiplex à l’immunofluorescence [ 8 ]. Il n’est pas recommandé d’effectuer une recherche dans les crachats. Préférer un écouvillonnage nasal avec écouvillon floqué (ou un lavage nasal en cas de thrombopénie profonde). Pour le transport, utiliser un milieu spécifique (type M4RT) et acheminer le prélèvement dans un délai de 3 heures. Discuter la réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire (LBA) si le prélèvement nasal est négatif et qu’il existe une forte suspicion d’infection basse.
  • En pré-greffe : doit être recherché chez tous les patients symptomatiques (symptômes respiratoires hauts et bas). Si le dépistage est positif, envisager le décalage de la greffe [ 1 ].
  • En post-greffe : jusqu’à J100, recherche systématique (et uniquement) devant tout symptôme respiratoire. Au-delà de J100, recherche en fonction des facteurs de risque (hypogammaglobulinémie, lymphopénie < 200/mm 3 , GVH) [1,4 ].
  • Traitements [ 1,4,9 ] : toute infection doit conduire à la mise en route d’un traitement :
    – Pas d’intérêt à une prophylaxie ni à une stratégie pré-emptive.
    – Curatif : ribavirine orale en association aux immunoglobulines polyvalentes (IgIV, 0,5 g/kg/semaine). La ribavirine intraveineuse reste une alternative à la voie orale. Le schéma suivant est proposé :
  • Adulte : 10mg/kg en dose de charge en une prise à J1, puis 400mg x3/jour à J2, puis 600mg x3/jour jusqu’à 18g dose totale (durée totale de 10 jours).
  • Enfant : 10mg/kg en dose de charge en une prise à J1 puis 5mg/kg x 3/jour à J2 puis 10mg/kg x 3/jour (durée totale de 10 jours).

3.2. Recommandations pour les infections respiratoires :

  • Sensibiliser les patients pour qu’ils signalent très tôt leurs symptômes respiratoires hauts et bas.
  • Situation à gérer dans l’urgence: réaliser un prélèvement nasal de qualité et faire un scanner s’il existe le moindre doute sur une symptomatologie respiratoire basse avec signes auscultatoires et/ou fièvre (cliché standard faussement rassurant). Réaliser un LBA dans les 36 heures en cas d’anomalies radiologiques.
  • Faire un suivi après l’épisode infectieux par épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR), test de marche de 6 minutes (plus sensible) et spirométrie « rapide » en consultation d’hématologie.
  • Mettre en place un « circuit »: greffe – virologie – pneumologie – réanimation.

3.3. Adénovirus

  • Problème plus fréquent en pédiatrie que chez les adultes. La réactivation digestive asymptomatique en pré-greffe concerne jusqu’à 20 à 30% des enfants [ 10,11 ] .
  • Epidémiologie: pas de variation saisonnière [ 11 ] .
  • Facteurs de risque: immunosuppression sévère, greffe de sang placentaire, greffe haplo-identique, GVH cortico-résistante, lymphopénie <200/mm 3 [ 2 ].
  • Définitions (cf. ECIL [ 2 ]):
    – infection systémique : PCR positive dans le sang ;
    – maladie probable : PCR positive dans un liquide biologique (selles, urines, salive, sang) accompagnée de symptômes (colite, cystite, fièvre, perturbations du bilan hépatique), sans preuve histologique ;
    – maladie prouvée : PCR positive accompagnée de symptômes liées à l’infection, avec preuve histologique (biopsie, liquide céphalo-rachidien).
  • Techniques diagnostiques: PCR spécifique qualitative et/ou quantitative (pas de kit commercial à ce jour pour les selles) [ 2 ].
  • En pré-greffe : recherche systématique dans les selles (et dans le sang en cas de positivité), recommandée seulement chez l’enfant.
  • En post-greffe : jusqu’à J100, PCR hebdomadaire dans les selles chez les adultes à risque et chez tous les enfants (sauf greffe géno-identique). Au-delà de J100, recherche en fonction des facteurs de risque. Réaliser une PCR dans le sang si la recherche est positive dans les selles ou un autre milieu. Recherche hebdomadaire systématique dans le sang discutée en cas de facteurs de risque [ 2 ].
  • Traitement [ 2,11 ]:
    – Pas d’intérêt à une prophylaxie.
    – Traitement pré-emptif si asymptomatique mais PCR positive dans le sang et groupe à risque.
    – Traitement curatif si maladie probable ou prouvée
    • Cidofovir: 5 mg/kg/semaine (autres schémas possibles), en association au Probénécide®.
    • Ribavirine possible en seconde intention, si adénovirus type C (hors AMM) ; schéma proposé identique à celui du VRS (absence d’étude).
    • Lymphocytes T cytotoxiques (CTL) spécifiques anti-adénovirus (protocoles).

3.4. HHV6 :

  • Epidémiologie : réactivation après 40 à 60% des allogreffes. Pas de prévalence saisonnière, pas de différence entre adultes et enfants [ 12,13 ]
  • Pathogénicité incertaine mais vraisemblable en l’absence d’autre agent identifié. Cette pathogénicité est démontrée dans le système nerveux central et la moelle, plus difficile dans les autres sites [ 14,15 ].
  • Facteurs de risque: greffe de sang placentaire, conditionnement myéloablatif [ 13 ].
  • Techniques diagnostiques et dépistage: PCR quantitative dans le sang (et/ou prélèvement tissulaire, liquide céphalo-rachidien, LBA, liquide pleural) en cas de symptomatologie évocatrice. Suivi clinique de l’atteinte organique et suivi de la PCR sanguine en cas de positivité [ 3 ].
  • Disposer d’un prélèvement pré-greffe du donneur et du receveur à analyser si besoin.
  • Evoquer l’intégration chromosomique pour des charges virales = 10 6 copies/10 6 cellules [ 16 ]. • Traitement [ 3 ] :
    – Pas de prophylaxie, ni de traitement pré-emptif (absence de seuil prédictif défini).
    – Curatif:
  • Systématique en cas d’encéphalite, discuté pour les autres atteintes.
  • Ganciclovir ou foscarnet; cidofovir en deuxième ligne.
  • Durée d’au moins deux semaines, selon le schéma du cytomégalovirus (absence d’étude).

Questions résiduelles à explorer

  • Quelle est la place du dépistage systématique des infections/portages viraux en post-greffe ?
  • Infections respiratoires:
    – Quels critères pour que les patients se signalent ? Où les faire venir ? Quelles mesures protectrices pour les patients symptomatiques ?
    – Quelles mesures pour le personnel symptomatique en période épidémique ?
    – Quelle est la place des biopsies pulmonaires et des biopsies trans-bronchiques ?
    – Faut-il mettre en place une consultation pneumologique systématique en pré-greffe ?
    – Quelle est la place du pavilizumab dans les infections à VRS [ 4 ] ?
  • Adénovirus :
    – Faut-il faire un dépistage systématique de l’adénovirus dans les selles chez l’adulte en pré-greffe ?
    – Faut-il initier un traitement pré-emptif de l’adénovirus si la charge virale mesurée par PCR est croissante dans les selles ? A partir de quel seuil ?
    – Existe-t-il un intérêt de la ribavirine per os en cas de portage digestif de l’adénovirus ?
    – Quelle est la place du CMX001 (conjugué lipidique du cidofovir) [ 17 ] ?
  • HHV6 :
    – Faut-il rechercher systématiquement HHV6 dans le sang et les organes atteints en cas de GVH cortico-résistante ? Si les prélèvements sont positifs, faut-il initier un traitement d’épreuve ?
    – Quelle est la place du traitement d’entretien dans les infections à HHV6

RÉFÉRENCES

1. Hirsch HH, Martino R, Ward KN, Boeckh M, Einsele H, Ljungman P. Fourth European Conference on Infections in Leukaemia (ECIL-4): guidelines for diagnosis and treatment of human respiratory syncytial virus, parainfluenza virus, metapneumovirus, rhinovirus, and coronavirus. Clin. Infect. Dis. 2013 Jan;56(2):258–66.

2. Matthes-Martin S, Feuchtinger T, Shaw PJ, Engelhard D, Hirsch HH, Cordonnier C, et al. European guidelines for diagnosis and treatment of adenovirus infection in leukemia and stem cell transplantation: summary of ECIL-4 (2011). Transpl Infect Dis. 2012 Dec;14(6):555–63.

3. Ljungman P, De la Camara R, Cordonnier C, Einsele H, Engelhard D, Reusser P, et al. Management of CMV, HHV-6, HHV-7 and Kaposi-sarcoma herpesvirus (HHV-8) infections in patients with hematological malignancies and after SCT. Bone Marrow Transplant. 2008 Aug;42(4):227–40.

4. Shah JN, Chemaly RF. Management of RSV infections in adult recipients of hematopoietic stem cell transplantation. Blood. 2011 Mar 10;117(10):2755–63.

5. Versluys AB, Rossen JWA, Van Ewijk B, Schuurman R, Bierings MB, Boelens JJ. Strong association between respiratory viral infection early after hematopoietic stem cell transplantation and the development of life-threatening acute and chronic alloimmune lung syndromes. Biol. Blood Marrow Transplant. 2010 Jun;16(6):782–91.

6. Weigt SS, Gregson AL, Deng JC, Lynch JP 3rd, Belperio JA. Respiratory viral infections in hematopoietic stem cell and solid organ transplant recipients. Semin Respir Crit Care Med. 2011 Aug;32(4):471–93.

7. Nichols WG, Gooley T, Boeckh M. Community-acquired respiratory syncytial virus and parainfluenza virus infections after hematopoietic stem cell transplantation: the Fred Hutchinson Cancer Research Center experience. Biol. Blood Marrow Transplant. 2001;7 Suppl:11S–15S.

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11. Feuchtinger T, Lang P, Handgretinger R. Adenovirus infection after allogeneic stem cell transplantation. Leuk. Lymphoma. 2007 Feb;48(2):244–55.

12. De Bolle L, Naesens L, De Clercq E. Update on human herpesvirus 6 biology, clinical features, and therapy. Clin. Microbiol. Rev. 2005 Jan;18(1):217–45.

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17. Florescu DF, Pergam SA, Neely MN, Qiu F, Johnston C, Way S, et al. Safety and efficacy of CMX001 as salvage therapy for severe adenovirus infections in immunocompromised patients. Biol. Blood Marrow Transplant. 2012 May;18(5):731–8.

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